Albert Derasse : Je m’appelle Albert Derasse et je suis ce que j’appelle un « praticien de la Data », ce que j’aime c’est mettre la « data in motion », travailler auprès de Data Scientists pour aller chercher avec eux la valeur métier, la valeur business de ce qu’on peut attendre des données, qu’elles soient descriptives, prédictives…
Je travaille avec une équipe de Data Scientists au quotidien pour rendre ça possible.
Dans le cadre d’ICHEC Formation Continue, j’interviens depuis maintenant une quinzaine d’année dans un programme en Marketing Stratégique et fin de l’été dernier, Brigitte Hudlot m’a demandé de créer un programme en Data Management, que nous avons construit ce printemps, programme dont j’assure la direction scientifique et que nous avons lancé début 2023.
Etienne Cuvelier : Je m’appelle donc Etienne Cuvelier, je suis mathématicien et informaticien, je donne des cours de mathématiques et de méthodes quantitatives à l’ICHEC Brussels Management School et je donne la partie « programmation R » dans le Certificat en Data Management d’ICHEC Formation Continue.
Martine George : Moi je m’appelle donc Martine George, j’ai un background en Physique et Intelligence Artificielle, je fais de la Data depuis presque 25 ans maintenant.
Je donne aussi cours à l’ICHEC Brussels Management School depuis 4 ou 5 ans, notamment dans un cours intitulé « Data analytics for Marketing » dans l’option Expertise Marketing et dans le Certificat en Data Management, j’interviens dans une journée autour de la thématique « Data Visualization & Storytelling with Data ».
AD : Des définitions, il y en a 1000. Mais j’en ai trouvé une très intéressante dans le discours de Geoffrey Laloux ( NDLR: un des intervenants dans le Certificat en Data Management d’ICHEC Formation Continue). C’est une très jolie approche de la Data selon moi. Il parlait de l’importance de la donnée dans le secteur financier et a dit : « La Data n’a de la valeur que lorsqu’elle est suivie par une information et une action ».
Par exemple, dans le domaine financier, Monsieur X gagne 2000€, il ne s’agit ici que d’une donnée. L’information qui suit sera alors « est-ce que son salaire est inférieur ou supérieur à la moyenne ? » et, enfin, l’action sera de lui accorder un crédit ou pas.
Selon moi le Data Management est une transformation et une séquence.
MG : Cette définition me parle assez bien. J’avais justement rappelé dans le cadre de ma session le rappel de la distinction entre Data Information Insight et prise de décision pour créer de la valeur, donc je suis tout à fait en phase avec ce qu’Albert vient d’énoncer.
EC : Quant à l’importance du Data Management dans le monde d’aujourd’hui, je pense qu’on se dirige même d’avantage vers le Data Driven Management, donc le fait de prendre des décisions sur base de données qui révèlent effectivement ce qui se passe d’un point de vue opérationnel au jour le jour.
Donc avoir une idée de ce que sont les mécanismes sous-jacents et de pouvoir aussi dialoguer avec les gens, que sont les techniciens – parce que les techniciens ont parfois du mal dans le dialogue avec les humains n’est pas Martine ? – (NDLR : Martine expliquait en off, les difficultés rencontrées avec certaines personnes dans le dialogue), avoir un langage commun avec eux pour pouvoir leur parler, sont des compétences très intéressantes de nos jours.
MG : Je suis assez d’accord avec ceci. Une formation comme celle-ci permet d’aider les personnes à devenir des contributeurs actifs de cette chaîne de valeurs analytiques en amenant une compréhension suffisante des concepts et des enjeux et en étant capable de faire leur chemin là-dedans en étant des personnes aptes à poser les bonnes questions aux bonnes personnes tout en comprenant suffisamment le jargon pour pouvoir être audible et établir un vrai dialogue ce qui permettra d’avancer dans une direction de création de valeurs à partir de données brutes disponibles.
EC : Personnellement, je retournerais la question. En effet, l’intelligence artificielle aura certainement de l’importance dans le Data Management mais il faut aussi être conscient que les intelligences artificielles actuelles, on verra pour les futures, sont systématiquement basées sur des données historiques. C’est en ça que le Data Management est important. Parce qu’il faut savoir que c’est le matériau de base pour créer de l’intelligence artificielle, c’est d’avoir un historique avec des données en quantité suffisante et, évidemment, représentatives tout en n’omettant pas tous les problèmes de biais, bien sûr.
AD : Certains de mes clients sont toujours un peu surpris, voire déçus, de constater que lorsqu’ils nous commandent un projet, nous passons certainement deux tiers du projet à nettoyer et à préparer les données pour en faire un data set exploitable, avant même de tester le moindre modèle et d’aller vers cette notion un petit peu « Wouaw », la bonne nouvelle c’est que quand on leur dit qu’on va faire un deuxième travail dans la même veine et qu’on va s’appuyer sur ce même data set, là ils sont plutôt contents, surtout parce qu’ils comprennent que ça va leur coûter moins cher (rire), parce qu’on va travailler sur des données qui seront alors connues.
EC : Il s’agit vraiment de la partie immergée de l’iceberg. Il m’arrive régulièrement d’avoir des étudiants en stage-mémoire dont l’entreprise veut faire de l’intelligence artificielle mais ils se rendent compte qu’il n’y a pas, ou peu, de données disponibles. Quand tous les processus ne sont pas digitalisés, rien n’est possible. Pour l’anecdote, dans ce genre de cas on transforme en général le mémoire en « Processus de Digitalisation de l’entreprise ».
MG : Pour moi il y a l’idée que les données deviennent un actif. Evidemment ce n’est pas un actif qui rentre facilement dans un bilan financier mais c’est un vrai actif car cela se construit et se maintient. Donc, si tout ce que l’on souhaite faire dépend de données historiques, il faut considérer ces données historiques comme quelque chose de sérieux et d’important. C’est un véritable défi pour l’organisation de pouvoir mettre en place ce qu’il faut pour que cet actif puisse grandir, être maintenu et pouvoir continuer à contribuer à la valeur qu’il peut potentiellement apporter dans l’entreprise pour ses différentes activités.
AD : Martine a utilisé le terme « contributeur », et c’est exactement ça !
C’est la mission de notre formation. Nous n’avons pas vocation à former des Data Scientists, mais bien à former des gens qui savent parler avec eux. S’ils sont dans une position « business », ils sauront exprimer leurs besoins et gérer leurs propres attentes et aussi leurs propres frustrations, parfois, par rapport aux Data Scientists, parce qu’ils auront développé une certaine empathie et pourront la comprendre grâce à ce qu’ils auront vu durant la formation, et s’ils ne sont pas dans cette position, ils pourront être de très bons intermédiaires entre les deux positions. C’est aussi pour ça que nous n’avons pas appelé ce programme « Data Science ».
EC : En fait, cela me fait un peu penser aux profils que nous avons ici à l’ICHEC en commun avec l’ECAM, ce sont les Business Analysts, qui sont des profils intermédiaires qui peuvent faire le lien entre les deux mondes.
MG : Je partage tout à fait ce qui a été dit et j’ajouterais ceci : avec cette formation, nous allons donner une grille de lecture à nos participants, qui ne seront pas des spécialistes de la Data mais qui en auront compris les enjeux, qui se seront créé une vue mentale de l’aspect multi-facettes de ces beaux métiers et qui pourront interagir avec les différentes parties prenantes de cette chaîne de valeurs.
Aussi, il y a un métier qui résonne de plus en plus autour de ça et qui est toujours plus demandé dans les entreprises, c’est le métier de « Data Analytics Translator ».
C’est ici le mot « translator » qui est vraiment révélateur de la situation actuelle.
En effet, il y a déjà beaucoup d’expérience dans tous ces métiers de la Data mais ce dont nous avons besoin c’est de pouvoir faire communiquer tous ces gens entre eux.
C’est donc là le rôle primordial du « Data Analytics Translator », c’est de faire le lien entre tous les acteurs de cet écosystème et qu’ils puissent parler un langage commun pour atteindre un objectif commun.
Les participants que nous formons à ICHEC Formation Continue sont donc des « embryons » de Data Translator. Il existe un excellent article de Harvard Business Review à ce propos dont le titre est « You don’t have to be a Data Scientist to fill this must-have Analytics Role ».